"Pour jamais ! Ah ! Seigneur, songez-vous en vous-même
Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ?
Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?
Que le jour recommence et que le jour finisse,
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice,
Sans que de tout le jour je puisse voir Titus !"
Acte
IV Scène V
Ces quelques vers sont de ceux qui peuvent nous arracher des larmes.
Lorsque la pièce commence, la fin est déjà annoncée et nul événement
ne viendra contrarier cet inexorable dénouement : Titus, nouvellement
empereur, décide de sacrifier à la cruelle loi romaine la passion qui le
lie à Bérénice, reine de Palestine. Il choisit ainsi de suivre la
fatalité et de se soumettre à la gloire qui l'appelle.
Toute
la tragédie se situe dans cet intervalle, entre la décision et le
renoncement, dans la souffrance et l'héroïsme. C'est finalement la Reine
qui, en renonçant à Titus, lui délivrera sa plus belle preuve d'amour.
Bérénice est un drame intime, d'une grande subtilité, où la raison d'Etat
dépossède deux êtres de leur propre histoire.